Le 18 mars dernier, Alexis Kasbarian, responsable du pôle Transition numérique et Innovation du MEDEF, a partagé les enseignements du Tour de France de l’IA et ses recommandations en matière d’Intelligence Artificielle. Retrouvez les points clés de ce webinaire adressé aux adhérents du GIFEC.
Un Tour de France de l'IA riche en enseignements
Le Tour de France de l'IA s'est achevé le 4 février 2025. Ce circuit de 19 300 km a été organisé par le Medef et Numeum, en amont du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle de février 2025.
Le périple aura duré 3 mois et permis d'échanger avec une centaine d'entreprises pour mieux cerner leurs besoins et identifier les potentiels gains permis par l'intelligence artificielle.
Certains ont confié leurs écueils, partagé leurs succès et mis en lumière des perspectives intéressantes pour les acteurs de l'industrie.
Les opportunités de l'IA pour les entreprises du secteur de l'industrie
Le Tour de France de l'IA a révélé un enthousiasme certain à l'égard des nouvelles possibilités offertes par l'intelligence artificielle. De nouvelles pistes sont explorées dans tous les domaines d'activité, y compris dans l'industrie.
Gain de productivité accessible à toutes les entreprises
L'automatisation et l'optimisation des tâches réalisées par l'intelligence artificielle a déjà permis aux entreprises de gagner en productivité et en compétitivité.
52 % des salariés interrogés désignent le gain de temps comme le principal avantage de l'IA. Ils sont même 44 % à constater un travail réalisé de manière plus qualitative. Ces avantages sont accessibles à tous les profils d'entreprise, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité.
Néanmoins, le Tour de France de l'IA a révélé une répartition assez inégale entre les grands groupes et les plus petites entreprises. Certains domaines sont par ailleurs plus favorables à l'usage de l'IA. Le directeur général de Numeum Pays de la Loire a noté que dans le numérique, « 90 % des entreprises ont identifié des gains liés à l’IA ».
Impact sur la compétitivité nationale et européenne
Une étude du PwC a estimé à 15 700 milliards de dollars le montant généré par l'intelligence artificielle d'ici 2030. Et ce, grâce à l'amélioration des produits et services proposés, ainsi qu’aux gains de productivité et à la demande croissante des consommateurs.
L'exploitation éthique et régulée de l’intelligence artificielle est un défi à relever pour les entreprises françaises et européennes. La construction d’un modèle économique sûr et transparent basé sur l'IA passe par un cadre de valeurs communes. C'est tout le sens de l'IA Act.
Pour garantir son autonomie numérique, l'Europe doit imposer un modèle de référence mondiale sans entraver l'innovation dans le domaine de l’IA.
L'IA dans les processus industriels et décisionnels
Les industriels et les entreprises de services à l'industrie rencontrés aux différentes étapes du Tour de France de l'IA ont partagé des attentes fortes, mais aussi des réserves : « l’IA n'est pas magique ».
L’IA pour l’optimisation des stocks
Les qualités prédictives de l'IA permettent aux industriels de réduire le risque de rupture de stock et de surstockage.
Avec l'intégration de paramètres complémentaires comme la météo, les prévisions de l'intelligence artificielle sur les ventes sont souvent plus aiguisées et plus fiables que celles des vendeurs. C'est en tout cas ce qu'a pu constater une entreprise interrogée au cours d'une étape dans le Calvados.
Les premiers résultats de l'expérimentation restent à confirmer, mais ils sont très encourageants.
Les remontées positives de l'automatisation des services clients
Les chatbots conversationnels permettent aux entreprises de répondre automatiquement aux demandes simples ou récurrentes, et de consacrer plus de temps humains aux cas particuliers.
La satisfaction des clients s'en trouve considérablement améliorée et le processus tend à gagner en efficacité. Plus les chatbots sont entraînés avec des données clients complexes, plus ils seront en mesure :
- soit de répondre directement aux demandes ;
- soit d'assister les conseillers dans leur travail.
Une étude du MIT et de l'université de Stanford a montré une productivité augmentée de 14% sur les activités du service client.
Cas concret : le groupe API intégrateur de solutions industrielles
Le groupe familial API, intégrateur de solutions industrielles, a adopté l'IA dès 2022 pour optimiser les process de ses clients.
Après avoir édité une première plateforme de traçabilité il y a une quinzaine d'années, leur outil d'amélioration des performances industrielles a été enrichi grâce à l'IA.
Pour cette entreprise, le défi réside dans la qualité des données, et nos capacités à les collecter, les qualifier et les utiliser efficacement.
Les freins au déploiement de l'IA dans l’entreprise
Le Tour de France de l'IA a aussi fait remonter les inquiétudes et les difficultés associées à la montée en compétences du personnel, ainsi que les craintes quant à la sécurité des données.
Les craintes des salariés et des citoyens
Les IA sont des super assistants accessibles à tous les salariés dans tous les services de l'entreprise. Cela suppose toutefois une phase de formation et d'expérimentation au cours de laquelle la productivité sera soumise à une forte variabilité.
La puissance de l'outil est parfois perçue comme une menace sur certains métiers. Son intégration doit ainsi se faire dans le cadre d'un accompagnement et d'une politique de reconversion qui permettra de réajuster l'organisation du travail. Tous les métiers concernés sont amenés à évoluer pour valoriser les compétences à plus forte valeur ajoutée.
Toute la difficulté pour les chefs d'entreprise et les services des ressources humaines est de parvenir à communiquer efficacement sur ces sujets pour anticiper les craintes et répondre aux interrogations légitimes.
En tant que citoyens, les Français perçoivent l'intérêt de l'intelligence artificielle, tout en portant un regard incisif sur les éventuelles dérives :
- 68 % considèrent l'IA comme une potentielle menace pour la souveraineté ;
- 81% sont préoccupés par la question des données personnelles .
Ces inquiétudes légitimes illustrent le besoin d'un cadre réglementaire visant à sécuriser l'exploitation de la donnée, mais aussi à instaurer un climat de confiance sur le marché.
L’IA et la cybersécurité
Le marché mondial de la cybersécurité a représenté 200 milliards de dollars en 2024. Les données qui alimentent nos intelligences artificielles sont à la fois des ressources stratégiques pour l'entreprise et une source de vulnérabilité critique.
Au-delà des opportunités, les collaborateurs doivent être systématiquement sensibilisés aux nouveaux risques. La conformité des processus des industriels exploitants l'IA devra faire face à des tentatives d'attaque toujours plus sophistiquées. Chacun doit y être préparé.
Le règlement européen sur l’IA (IA-Act ou RIA) classe déjà 4 niveaux de risque :
- Le risque inacceptable qui interdit par exemple la notation sociale ou la reconnaissance des émotions sur le lieu de travail ;
- Le risque élevé qui justifie des exigences renforcées dans les domaines du recrutement, ou de la santé par exemple ;
- Le risque spécifique qui impose une obligation de transparence, comme pour le recours à des chatbots ;
- Le risque minimal qui s'applique à tous les autres systèmes utilisant l’IA.
Les dispositions du RIA entreront progressivement en vigueur d'ici 2027.
Et demain ?
Les entreprises françaises doivent garder un œil ouvert sur les évolutions réglementaires, un autre sur les opportunités stratégiques, tout en restant à l'écoute des collaborateurs et en assurant une transition à la fois pédagogique et efficace.
Ce qui les attend dans un futur très proche risque encore de bouleverser les modèles actuels. Les chercheurs parlent désormais de l'AGI, l’Intelligence Artificielle Générale. Derrière cet acronyme se trouvent des machines pouvant dépasser l'expertise humaine dans de nombreux domaines. L'échéance est qualifiée de « très courte » par le rapport du Tour de France de l'IA.
Le changement de paradigme à venir devrait mettre à l’honneur les usines, les centres de données et les réseaux de télécommunication. Le Medef et Numeum ainsi que le Gifec se tiennent aux côtés des entreprises et des industriels pour les aider à maîtriser les différents aspects de cette transition inédite.